MARTINIQUE
Excursions
Paulette Nardal
Guide des Colonies Françaises : Martinique, Guadeloupe, Guyane, St. Pierre-Miquelon, Paris, Société d’Éditions Géographiques, Maritimes et Coloniales, 1931.
V. EXCURSIONS
ITINÉRAIRES DES EXCURSIONS
Excursions dans le Nord
I. NORD-OUEST
Aller : Fort-de-France ; Balata ; L’Alma ; Fonds Saint-Denis ; Saint-Pierre ; Morne-Rouge ; Champflore.
Retour : Croix Dubuc ; Deux-Choux ; Route du Calvaire ; Gros-Morne ; Saint-Joseph ; La Redoute ; Fort-de-France ; durée : 3 h env.
II. NORD-EST
Aller : Fort-de-France ; La Redoute ; Saint-Joseph ; La Chapelle-sans-Croupion ; Gros-Morne ; Trinité ; Sainte-Marie ; Marigot ; Lorrain ; prolongement facultatif : Basse-Pointe ; Macouba ; Basse-Pointe.
Retour : Ajoupa-Bouillon ; Morne-Rouge ; Saint-Pierre ; Fonds Saint-Denis ; Deux-Choux ; L’Alma ; Colson ; Balata ; Plateau Didier ; Fort-de-France ; durée : 6 h sans prolonger jusqu’au Macouba ; 7 h. en allant au Macouba.
Excursions du Sud.
Aller : Fort-de-France ; Lamentin ; Ducos ; Petit-Bourg ; Rivière-Salée ; Trous-Ilets (voir l’Ilet à Ramiers) ; Anses d’Arlets ; Diamant (voir le Rocher du Diamant) ; Sainte-Luce ; Rivière-Pilote ; Marin ; Vauclin ; François (voir la Frégate).
Retour : a) Lamentin; Fort-de-France ; durée : 8 h env. –– b) Robert ; Trinité ; Gros-Morne ; Saint-Joseph ; La Redoute ; Fort-de-France ; durée : 9 h env.
Excursions courtes.
Au plus 1 heure, aller : Fort-de-France, Balata, L’Alma. Retour : Balata, Plateau, Didier, Fort-de-France.
1 heure largement, aller : Fort-de-France, Balata. Retour : Route de Didier et Fontaine Didier, Plateau Didier, Fort-de-France.
EXCURSIONS
Renseignements pratiques. –– Le point de départ pour toutes les excursions sera Fort-de-France, où l’Agence touristique Cottrel fournira aux visiteurs tous les moyens de locomotion nécessaires.
Nous avons établi 2 programmes d’excursions bien distincts :
1) Pour les touristes qui passent une journée à la Martinique, c’est-à-dire, le temps d’une escale, l’excursion classique est, après la visite de Fort-de-France, celle du N., par la route de la Trace et ses célèbres fougères arborescentes. (3 h, sans s’arrêter plus de 5 min aux divers points indiqués).
Les touristes venant de France qui débarquent généralement vers 7 h seront de retour en ville pour le déjeuner. Ils pourront, dans l’après-midi, visiter rapidement les banlieues qu’ils n’auront pas traversées au cours de leur grande excursion.
2) Pour les touristes qui doivent séjourner à la Martinique, il existe deux grandes excursions, celle du N. et celle du Sud qui comprend aussi la visite des bourgs du centre.
L’excursion du N. comprend deux itinéraires : N.-O. (Route de la Trace) : 3 h. et N.-E. : 7 h.
L’excursion du S. dure 9 h env.
Promenades à pied. Excursions. –– Nord, Montagne Pelée : une journée env.; Pitons du Carbet, une journée.
Sud. –– Excursion de la Montagne du Vauclin. Visite de la Savane des Pétrifications : une journée.
Voyages côtiers. –– Les différents bourgs de l’île étant généralement situés sur les côtes, nous ne parlerons que de la visite des îlets qui sont des lieux de pique-niques très appréciés.
Ils sont également réputés pour les possibilités qu’ils offrent aux chasseurs et aux pêcheurs.
N.B. –– Le temps est calculé au plus juste, sans compter les heures des repas. Il vaut mieux, en général, emporter de la ville un repas froid.
EXCURSION DU N.-O. PAR LA TRACE
On quitte la ville vers 9 h par la Levée ou la rue François-Arago. Après avoir longé l’Hôpital militaire où l’on accède par une avenue plantée d’arbres majestueux, on s’engage sur la route du Pont-de-Chaînes. Cette route est bordée à droite par la rivière Madame, aux berges couvertes d’une végétation extrêmement dense.
Bientôt, la route s’écarte de la rivière. De chaque côté, s’élèvent des maisonnettes encloses dans des barrières primitives. La partie qui s’étend à gauche de la route, longeant les Terres Sainville nouvellement reconstruites, donne une impression de propreté et de régularité. Mais au-delà, c’est la profusion désordonnée et noire de la végétation tropicale, campêchiers grisâtres, manguiers sombres aux fruits dorés et vermeils, grands arbres à pain aux énormes fruits vert clair. Par terre un tapis de feuilles mortes, des fruits mûrs tombés des arbres, des roches noires, parmi lesquels vivent en bonne harmonie poules et porcs dans une ombre chaude où les odeurs s’exaspèrent. Des cases branlantes aux planches pourries séparent ce quartier de la route.
Entre le 2e et le 3e kilomètre, la route se pare de coquettes villas aux peintures claires. On a utilisé pour certaines d’entre elles les magnifiques bois du pays qu’on a laissé à nu.
Bientôt, l’on passe devant la route de Tivoli, petit village se nichant au creux d’un ravin et où l’on peut visiter un beau jardin botanique.
La route commence à monter et l’air fraîchit insensiblement. La végétation assez clairsemée auparavant acquiert plus de vigueur.
Sur les hauteurs de BALATA, au 7e kilomètre, on met pied à terre pour visiter le Montmartre martiniquais, reproduction réduite, mais exacte, de la splendide basilique de Paris. On doit gravir un raidillon pour y arriver, mais en haut quelle magnifique récompense est la vue panoramique de Fort-de-France et de sa baie ! La masse blanche de la basilique ressort étrangement sur le vert sombre de la végétation et le bleu violent du ciel. Les palmiers gigantesques qui s’élèvent tout auprès annoncent déjà la flore plus passionnée et les grandes forêts des Pitons du Carbet. Un vent frais y règne. Après un coup d’œil à l’ancienne chapelle de Balata, on repart vers le camp du même nom.
Nous empruntons à M. Achille, professeur agrégé au Lycée Schœlcher et touriste infatigable, le reste de la description de la route jusqu’à Saint-Pierre.
Vers le 9e kilomètre, par-dessus les plaines et les coteaux, on aperçoit à droite, l’Océan Atlantique et le sable blanc des îlots du Robert. Quand les lames déferlent, les grondements du Loup-Garou, le plus lointain de ces hauts-fonds, nous parviennent sur la brise encore imprégnée de senteurs marines.
Enfin l’on arrive au plateau où se dresse le camp militaire. L’emplacement en est très bien choisi. Le voisinage de la montagne et des forêts y entretient même en été une température fort agréable ; les nuits délicieusement fraîches et l’air si pur, si léger, qu’à le respirer seulement on se sent heureux de vivre. Du bord du plateau, un panorama ravissant s’étend sous les yeux ; au premier plan c’est la basse vallée que termine la ville, puis la vaste rade en son miroir d’argent reflète l’image des ilots et des collines qui la bornent au S. À l’horizon, par les jours clairs, l’île anglaise de Sainte-Lucie découvre ses pitons en pains de sucre.
Après le camp de Balata, la route se déroule en palier sur 2km, la voiture glisse sans cahot et sans bruit sur le tuf. Voici bientôt, à gauche, le chemin déclive qui conduit à l’établissement thermal d’Absalon, et à l’un des sites les plus pittoresques des environs de Fort-de-France. Partout, du fond de l’entonnoir où gît la « Fontaine », on n’aperçoit que la végétation intense des forêts tropicales, comblant la vallée, escaladant les flancs abrupts des monts voisins, posant l’aigrette d’or d’une touffe de bambous mûrs parmi le feuillage vert sombre, jetant ailleurs des taches claires de balisiers où saignent cent fleurs vermeilles, abritant la grâce frêle des fougères arborescentes sous la ramure altière des colosses sylvestres, suspendant en tous sens les lianes et les parasites où volètent, sifflent, bruissent, bourdonnent, un essaim d’oiseaux et d’insectes. Sous ce fouillis, la rivière murmure, froide et claire, de cascatelle en cascade. Tout près du pont, pour franchir un rocher qui barre son lit, elle resserre ses eaux en un goulet étroit, puis s’élance en une chute de 8 m dans un bassin étroit de pierre aux parois en surplomb.
Dans le lit même de la rivière, on trouve par endroits de l’eau minérale, mais la source principale est à quelque 100 m de la rive droite.
* * *
Au-delà d’Absalon, la route de la Trace entre dans une région à peu près déserte, occupée par les grands bois du domaine de la colonie et de quelques particuliers. C’est le nœud hydrographique du bassin de Fort-de-France. À droite, s’élève le Plateau Larcher ; à gauche, la vallée Dumauzé se perd au pied des Pitons. Une végétation puissante couvre les croupes inférieures de la montagne, mais à une certaine altitude, l’arbre ne croît plus et les parois escarpées des pics ne sont tapissées que de mousses et de fougères naines. Le profil des trois pitons change d’aspect à chaque tournant de la route, comme si, par crainte de la monotonie, ils s’ingéniaient à varier leurs poses. Soudain, après le 14e kilomètre, en pleine région montagneuse, voici que la mer se montre brusquement, jalouse qu’en son île on puisse un instant l’oublier. À droite par la trouée du Robert, l’Atlantique écume contre ses récifs madréporiques ; à gauche, la paisible mer des Antilles dort sous le ciel bleu. Dans ce cadre pittoresque, le camp militaire de Colson éparpille ses blanches constructions et ajoute l’élément humain à ce tableau. Tout ce parcours jusqu’au refuge de l’Alma est très beau ; le regard se heurte partout à des monts vigoureux qui préparent l’essor des trois pitons dressant à plus de 1.200 m leurs pyramides aiguës.
* * *
Lorsqu’après avoir passé à gué la rivière Blanche dont la mince nappe limpide traverse la route sur un cassis pavé, on entre dans la maison de l’Alma et que, par les fenêtres, on aperçoit la masse imposante du plus pointu des pitons qui, d’un trait, sans ressaut du profil, s’élance jusqu’à la nue, on a bien l’impression de la grande montagne dont on ne viole point sans péril la hautaine solitude. Point de glaciers ni d’avalanches, mais des histoires légendaires vous sont contées de disciplinaires évadés ou de chasseurs égarés dans ces bois, dont jamais plus on n’a entendu parler, soit qu’ils aient trouvé la mort au fond des précipices, ou que les serpents, jadis nombreux en ces parages, aient attaqué l’imprudent, qui venait les troubler en leur retraite lointaine.
Aujourd’hui même que les serpents ont à peu près disparu, ces montagnes ne sont guère visitées que par des charbonniers et les coupeurs de choux-palmistes. De rares touristes en ont fait l’ascension, malgré la proximité de Fort-de-France et il n’existe pas de sentier frayé pour gagner le sommet.
De l’Alma aux Deux-Choux où vit dans la solitude l’agent forestier chargé du triage, la route montueuse serpente au pied des pitons et la vue est bornée mais imposante. Le silence impressionnant des futaies qui croisent leur sombre ramure au-dessus du chemin ajoute à la solennité du spectacle, et le moindre craquement de branche, la mélodie presque humaine
de quelques notes du siffleur des montagnes, font tressaillir le voyageur.
Le paysage aux Deux-Choux se modifie. Du haut d’un tertre, la vue plonge au fond de vallées sauvages d’où l’on entend gronder les torrents. C’est de toutes parts une ruée de croupes hérissées, un bouleversement prodigieux des terres, un chaos de précipices que la route va côtoyer. À mesure cependant que l’on avance vers le Fonds-Saint-Denis, les lignes se simplifient et s’harmonisent. On tourne le dos aux à-pic vertigineux des pitons et parmi le ruissellement des cascades on voit apparaître les premières chaumières. Le Fonds-Saint-Denis n’est qu’un pauvre village, mais le site en est ravissant. Pour bien en admirer la beauté, il faut grimper jusqu’à l’observatoire tout proche du Morne-des-Cadets. De là, l’œil découvre un panorama sans rival dans l’île. À vos pieds, un échiquier de jardins et de pelouses s’incline verdoyant aux deux flancs de la vallée où écume la rivière du Carbet ; plus loin, le Morne-Vert arrondit son ballon humide, et derrière les monts voisins, la mer des Antilles flamboie au soleil. De l’autre côté, c’est la masse formidable des pitons et le contrefort puissant qui court vers Case-Pilote, puis au N., au-dessus du Morne-Rouge tapi dans ses bois touffus, surgit le dôme sinistre et pelé du volcan.
L’Observatoire lui-même mérite d’être visité. Bien outillé, il enregistre avec précision tous les phénomènes météorologiques et sismiques de la région dont il communique le relevé aux stations similaires de France et d’Amérique ».
Tout le monde sait l’horrible catastrophe qui détruisit, en 1902 la ville riche et si moderne pour l’époque que fut Saint-Pierre. Son carnaval est resté célèbre dans les Annales de la Martinique ainsi que l’intelligence, la vivacité et le sens artistique de ses habitants. L’écrivain américain Lafcadio Hearn en a laissé de vivantes descriptions. Voici le Fort, voici le Mouillage, qui, avec le Centre, aujourd’hui rebâti, formaient les trois quartiers de cette ville superbe.
Bien qu’en partie rebâtie, la ville possède de nombreuses maisons, des magasins d’alimentation, plusieurs établissements industriels, une belle église, un ossuaire et un monument symbolique : « Saint-Pierre se relevant de ses cendres », elle reste toujours sous la menace d’un réveil du monstre. Cependant, comme la situation de Saint-Pierre en fait le débouché naturel du N., l’administration locale a décidé, à la suite des dernières éruptions, peu graves heureusement, de faire construire des routes d’évacuation vers Fort-de-France.
Ces éruptions avaient d’ailleurs attiré à la Martinique un nombre considérable de touristes américains, venus observer le spectacle grandiose de la montagne en feu.
En allant vers le Morne-Rouge, le volcan qui domine Saint-Pierre de toute sa hauteur, surgit, déformé, à certains virages. On remarquera en passant la jolie cascade des Eaux Dégouttées des champs de cannes, un joli quartier de coolies hindous qui vivaient là avec toutes leurs traditions, les Trois-Ponts. La route passe souvent entre de hautes murailles (lianes, bambous). À mesure que l’on s’élève, on découvre les vallées qui descendent des flancs du volcan, fourrées de bambous.
LE MORNE-ROUGE est situé au pied du volcan, sur un plateau de 425 m d’altitude. Les nombreuses rivières qui l’arrosent : Rivière des Écrevisses, Roxelane, Capote, rendent sa terre particulièrement propre à l’élevage et à la culture de toutes les plantes européennes. Le Morne-Rouge est, à cause de la fraîcheur et de la pureté de son air, fort apprécié des Européens et des Martiniquais. On l’a souvent comparé à une petite Suisse (15° la nuit). Le village était, avant la catastrophe du 8 mai 1902, à la fois un faubourg de Saint-Pierre et un lieu de villégiature où l’on pouvait admirer de somptueuses demeures. Le nouveau village est relativement pauvre. On y voit, encore quelques ruines, mais on en a restauré la basilique et l’on commence à y élever quelques belles constructions. Du Morne-Rouge, le volcan apparaît gracieux avec ses Ailerons. Par temps clair on peut voir le dos d’Âne, le Petit Bonhomme, les deux Dômes, l’ancien et le nouveau, se profilant nettement contre le ciel bleu.
EXCURSION DE LA MONTAGNE PELÉE
Pour le touriste qui doit séjourner dans l’île, une des principales attractions du Morne-Rouge est l’ascension de la Montagne Pelée. Elle peut se faire en 2 ou 5 h suivant le point de départ : Morne-Rouge, Basse-Pointe ou Prêcheur.
En partant à 4 h du matin, on jouit là-haut d’un féérique lever de soleil sur l’île entière. En général, on y passe la journée, ce qui est moins fatigant. Y aller par beau temps, se procurer un guide au village, des vivres, des boissons, car il fait froid et humide au sommet de la montagne.
Un projet de route carrossable jusqu’aux premières pentes de la montagne est à l’étude. En attendant, on quitte la route qui conduit du Morne-Rouge à l’Ajoupa-Bouillon, en empruntant un sentier à travers une savane couverte de goyaviers et de framboisiers. On arrive à une partie plus abrupte et plus dénudée : la Pelée mérite alors bien son nom.
Non loin de là se dresse un morne entièrement recouvert de fougères arborescentes qui le caparaçonnent : Le Morne Calebasse.
L’excursion ne présente aucun danger avec un bon guide. Le seul passage délicat est la traversée des Ailerons, corniche étroite sur un précipice.
Arrivé sur le plateau supérieur, l’on voit en son centre un immense cratère d’env. 2 km de tour, au milieu duquel se dresse un cône de pierre aux roches colossales et branlantes. Il faut ici avancer avec beaucoup de prudence.
Les fumerolles sont nombreuses, le sol chaud et la végétation rabougrie. Mais la configuration du terrain change après chaque éruption et le cône a été remplacé après la dernière, par un lac d’eau chaude et aux propriétés curatives, dit-on. Il existe déjà en cet endroit, un refuge construit par la Société des Amis des Arbres.
Lorsqu’un brouillard digne de Londres ne vous en empêche pas, l’on jouit d’une vue magnifique : toute la Martinique et la Dominique.
Les dernières éruptions n’ayant pas eu la gravité de celles de 1902, il est à prévoir que la Pelée sera pour la Martinique une attraction touristique égale à celle du Vésuve ou du Stromboli pour l’Italie.
Le retour s’effectue par le CHAMP-FLORE et ses grasses prairies. La route est souvent traversée de « cassis » où coulent de petits ruisseaux qui augmentent encore la fraîcheur du lieu. La terre est rouge, la route aussi. Cette tonalité rouge que nous retrouvons jusqu’au Gros-Morne met puissamment en valeur le vert assez frais des plantes qu’on sent gonflées d’eau. Tout pousse à merveille sur cette terre fertilisée par la lave. Citronnelles et pommiers roses y croissent à foison. C’est aussi un lieu d’excursions. Dans la vallée de la Capote on peut prendre d’agréables bains glacés. À travers cette région rurale, aux collines boisées et aux vallées cultivées, on a construit de nouvelles routes d’évacuation, en cas d’éruption de la Montagne Pelée. Ces routes superbes ont 8 m de large. De loin en loin s’élèvent des abris. On a repris, à cet effet, le tracé de l’ancienne route des Jésuites.
On arrive ensuite à LA CROIX-DUBUC d’où l’on peut admirer d’une part, la vallée de la Capote, le Morne-Rouge, le Volcan, et d’autre part, les montagnes du Lorrain, très boisées, crépues, en pleine nature.
Pour les amateurs de footing, la Croix-Dubuc à cause de la vue splendide qu’elle commande, devra être le but d’une excursion spéciale, en prenant le Gros-Morne comme point de départ.
DES DEUX-CHOUX, par la route du Calvaire, que surplombent des bambous, on découvre des vues immenses sur les vallées de l’E. et sur l’Océan Atlantique. Tout au long de cette route nous pouvons admirer les bois domaniaux, la plus somptueuse parure de l’île.
LE GROS-MORNE, à la terre rouge et grasse, est considéré comme le bourg le plus fertile et le plus salubre de l’île. C’est, avec le Morne-Rouge, le lieu de villégiature préféré des Européens.
Ce bourg a joué un certain rôle dans l’histoire du pays. En 1793, les Anglais attaquent Fort-de-France. Le gouverneur Rochambeau, après une longue résistance, est contraint d’abandonner la ville et transporte au Gros-Morne le siège du gouvernement. C’est aussi, dans ses environs immédiats, au Morne Vert, que le parti royaliste subit une défaite sanglante.
On commande, du Gros Morne, une vue admirable et variée ; au N.-O., le spectacle changeant des Pitons du Carbet sous la brume ; au centre le ciel clair ; à l’E., la baie du Robert et celle du Galion, l’Îlet de Sainte-Marie et la presqu’île de la Caravelle. On cultive avec succès au Gros-Morne toutes les espèces européennes.
La terre est bien arrosée par la rivière Lézarde. On peut visiter dans les environs une usine d’ananas, de nombreuses distilleries et de fort belles plantations de riz. La récolte du riz et les réjouissances qui la suivent composent des spectacles d’un pittoresque très poussé.
À la sortie du bourg, on remarque un bâtiment imposant : la gendarmerie.
Le cimetière du Gros-Morne mérite qu’on s’y arrête : « C’est un champ en pente douce que ferment de majestueux palmistes disposés en arc de cercle et comme fond, une multitude de petits mornes en amphithéâtre » (Thomarel).
Entre le Gros-Morne et Saint-Joseph la campagne est toujours fertile. On rencontre plusieurs fois la Rivière-Blanche qui bouillonne autour d’énormes rochers noirs et arrondis.
C’est plutôt un torrent qu’une rivière. Elle est sujette à des crues subites et redoutables.
SAINT-JOSEPH, bâti lui aussi sur un plateau, est comme le Gros-Morne, un endroit sain, bien qu’un peu humide. Le bourg se trouve un peu en retrait de la route. L’ordonnance de ses maisons est extrêmement curieuse. Saint-Joseph possède la seule église gothique de l’île. Elle est d’ailleurs inachevée et a pris une curieuse teinte d’ocre foncé. Toute cette région est très prospère et approvisionne la ville en produits maraîchers du pays et en légumes de France. Saint-Joseph est à 12 km 417 de Fort-de-France.
La route descend en pente douce vers la ville. Le quartier de la Redoute qu’elle traverse constitue une banlieue bourgeoise, assez ancienne. De confortables villas le plus souvent au fond de magnifiques jardins où les fleurs viennent admirablement, lui donnent un certain air de distinction. Dans le charme de ce quartier, aussi puissant que celui de Balata, il entre un élément d’ordre et de mesure.
Bientôt nous dépassons la caserne Rochambeau où il fait toujours frais. La température change sensiblement à mesure que nous approchons de la ville. Voici les faubourgs grouillants de la Folie et les magnifiques avenues du Jardin Desclieux, la rue de la Liberté et la Savane.
EXCURSION DU NORD-EST
Fort-de-France, Saint-Joseph, Trinité, Lorrain (Macouba), Saint Pierre, la Trace, Fort-de-France.
Minimum sans arrêt : 7 h, sans prolongement jusqu’au Macouba : 8 h, Macouba compris.
Temps avec arrêts : 10 h (sans le déjeuner).
Fort-de-France, La Redoute, Saint-Joseph, Gros-Morne (Voir la fin de l’excursion précédente).
Trinité. –– 3 km avant d’arriver à Trinité, on découvre vers le Brin d’Amour une vue admirable du bourg et de sa baie, la Caravelle, les îlots au N. et au S. de la presqu’île, 1’Ocean Atlantique et des champs de canne immenses.
La propriété « Brin d’Amour » est célèbre pour son allée de pois-doux et de pommiers roses. Le bourg de Trinité apparaît à un brusque détour de la route et c’est un enchantement. Sa baie verte et bleue forme un arc de cercle d’un kilomètre. De coquettes maisons s’élèvent parallèlement au rivage. Le bourg s’adosse à des mamelons verdoyants.
Trinité donne l’impression d’une ville en formation. Elle se pare tout près du rivage, d’une promenade, la place Joyeuse, qui a grand air avec ses allées de catalpas ombreux. Les usines du Galion et de Bassignac, bâties aux bords de la rivière du Galion, viennent interrompre le développement de la ville. Par contre les campagnes environnantes sont très populeuses. Citons Bellevue et sa terre fertile, à 7 km de Trinité. Ce sont ses immenses champs de canne que l’on aperçoit de la route.
Certains quartiers de Trinité ont une histoire. « Un de ces quartiers - nous dit M. Réjon -, aujourd’hui principalement peuplé de pêcheurs, doit son nom aux Hollandais qui, chassés du Brésil par les Portugais en 1654, se réfugièrent dans les Petites Antilles. Ils arrivèrent à la Martinique vers 1565 ou ils fondèrent près des bourgs, des quartiers séparés dénommés « Brésils », en souvenir, sans doute, du pays dont ils venaient d’être chassés. Trinité est la seule localité qui ait conservé le nom du quartier brésilien. »
A signaler à l’extrémité de la Pointe, le Fort Sainte-Catherine. On affirme qu’il existe encore dans ce fort, un souterrain menant à l’ancien château de Trinité.
Trinité a été autrefois un port de commerce florissant ; avec l’installation de nouveaux magasins, la ville semble retrouver son ancienne activité commerciale. Si l’on adjoignait au chemin de fer industriel qui sert au transport des cannes, de véritables voies ferrées, Trinité redeviendrait la cité prospère qu’elle a été il y a deux siècles. C’est, après Fort-de-France,
le point le plus important de l’ile.
SAINTE-MARIE. –– Après la descente de Bassignac, la route est très variée. Jusqu’à Sainte-Marie, on a des échappées magnifiques sur les falaises, les anses, l’Océan parsemé d’îlots : l’îlet Saint-Aubin, l’îlet Caravelle, le Banc de Sable. Houle vert pâle des champs de canne traversés par la voie ferrée industrielle. Champs d’ananas, d’un vert métallique, usines. Les campagnes environnantes, Morne des Esses, hauteurs de Fourniolles, du Pérou, de Bézaudin, Bon-Air, Bellevue, annoncent par leur fertilité, la grande et riche commune qu’est Sainte-Marie.
Lieu de villégiature favori des amateurs de beaux spectacles de la nature, Sainte-Marie s’étend sur les derniers prolongements que les Pitons du Carbet inclinent doucement vers la mer. De partout, on jouit d’une vue inoubliable sur l’Océan toujours furieux.
L’îlet de Sainte-Marie qui se dresse en face du bourg dans l’eau bleue moirée de soleil, au large, le reflet blanc des hauts-fonds, composent un spectacle dont la vue ne peut se lasser.
L’une de ses plus belles parures est sa plage de 2 km où l’on peut prendre d’excellents bains de mer. La plage possédait naguère une double allée de cocotiers splendides. On l’appelait alors le Boulevard.
Pour le touriste qui doit séjourner dans l’île, une semaine à Sainte-Marie s’impose. L’endroit offre tant de possibilités touristiques ! Promenades sur les hauteurs, sur les côtes ou en mer. Le touriste devra voir le bourg Sainte-Marie, et le paysage environnant au clair de lune. Spectacle unique. Son église ancienne de style roman, placée sur une hauteur, se détache sur le fond des champs de canne. On y accède par un chemin pavé ou par deux séries d’escaliers entre lesquels dévalent des pentes gazonnées. Derrière l’église, se trouve le réservoir d’eau qui alimente le bourg.
À part le Boulevard, la promenade classique de Sainte-Marie est celle de La Carrière. Paysage complètement dénudé. La Carrère est une falaise éboulée, dont certaines lamelles superposées présentent l’aspect de marches. Tout en haut, dominant le gazon vert tendre, on voit des raisiniers qui demeurent inclinés par le vent continuel qui souffle dans ces parages. Les rocs énormes sont noirs à la base et jaune ocre au sommet. Au pied de la falaise se sont formés des bassins naturels et presque rectilignes. Une petite plage en retrait forme une baie fermée. On y trouve de très jolies variétés de coquillages, verts et minuscules. L’ensemble, avec la vue sur l’Océan sans fin, laisse une impression inoubliable. Il faut y avoir été pour comprendre toute la grandeur de ce paysage d’une pureté classique, inattendue sous les tropiques.
Ailleurs, les splendides effets de rochers noirs et de vagues écumantes, rappellent à s’y méprendre la Bretagne sauvage.
Sainte-Marie devrait être une station touristique de premier ordre. L’air y est d’une extrême pureté.
Elle est pour le moment, une agglomération prospère, arrosée par trois rivières. Charpentier, Saint-Jacques et la rivière de Sainte-Marie. Exposé à la fureur des flots et des vents, le bourg doit sa prospérité au labeur de ses habitants. La grande usine de Sainte-Marie, en dehors du bourg, en fait un centre commercial important. Sainte-Marie exporte du rhum et du sucre. Ses cultures maraîchères sont réputées.
Si l’on exploitait l’abri naturel que représente son îlet, on pourrait, en le prolongeant par des jetées, y faire accoster en tout temps les bateaux que la mer houleuse de Sainte-Marie force à débarquer le plus souvent à Trinité.
Sainte-Marie englobe la terre domaniale de Saint-Jacques, louée à bail par la Colonie à des particuliers. C’est un lieu de promenade intéressant à cause des souvenirs historiques qu’il évoque. Ancienne propriété du père Labat, qui eut d’ailleurs à y repousser un assaut des Anglais, le domaine de Saint-Jacques présente encore différents travaux d’art qui ont victorieusement résisté à l’usure du temps. Sous presque tous les chemins et les sentiers qui la parcourent, on retrouve le pavé du roi. De hautes murailles de soutènement forment des talus très élevés ; elles ont 1 m d’épaisseur et forment de véritables fortifications. À l’intérieur, on trouve les restes d’un moulin à vent, des canaux en maçonnerie où l’eau coule encore pour aller se perdre dans un bassin souterrain.
Une rivière traverse la propriété et forme un bassin profond où l’on peut prendre des bains agréables.
On y revoit la chapelle, maintenant désaffectée, du Père Labat. C’est actuellement une réserve pour les sacs de farine. Extérieurement, elle est bien conservée.
Une jolie légende est née de tous ces souvenirs du passé : lorsque les paysans aperçoivent, la nuit, des lumières, qui courent dans les champs, ils disent : « C’est le Père Labat qui fait sa tournée, il a son fanal à la main. »
Promenades à faire : visite des îlets en canot, visite de la presqu’île de la Caravelle, en auto ; son phare ; ses ruines historiques (Voir promenades côtières).
LE MARIGOT
Jusqu’au Marigot, la route est très souvent en corniche. On y découvre de très beaux panoramas sur les falaises et l’Océan. Entre la propriété Saint-Jacques et le Marigot, se trouve une anse pittoresque appelée Charpentier, du nom de la rivière qui s’y jette. On recommande aux baigneurs de ne point s’y aventurer à cause du tourbillon très dangereux qui se forme dans cette embouchure. Sur toute la côte, depuis Sainte-Marie jusqu’à Charpentier, on aperçoit des arbres que le vent a forcés à pousser inclinés contre la falaise. Le bourg est bâti en amphithéâtre. Il couvre une partie de la falaise qui s’abaisse pour former une anse profonde.
À une extrémité de cette anse, on aperçoit deux îlets très curieux, en forme de pains de sucre, un grand et un petit. Les effets de l’érosion sont remarquables sur cette partie de la côte.
Le territoire du bourg et la campagne environnante sont extrêmement fertiles, couverts de plantations, de forêts étendues, qui produisent les principaux bois de construction utilisés aux Antilles. On en fait aussi du charbon. Deux rivières arrosent ce territoire : le Lorrain et le Marigot. L’embouchure des rivières de cette côte N.-E. est souvent ensablée, boueuse et forme des marécages nauséabonds. Toutes les maisons sont neuves. Tous ces toits de tuile rose, qu’on découvre brusquement de la route, lui donnent un aspect extrêmement riant. Le Marigot est pittoresque avec sa jetée en pierre qui fait penser au petit port d’Enoch Arden. Ne pas s’arrêter.
LE LORRAIN
Jusqu’au Lorrain, très jolie route en corniche, comme précédemment. Le bourg situé sur le littoral, comme presque toutes les localités de l’île, s’étend entre deux rivières : la Capote et le Lorrain ; L’anse au bord de laquelle il s’élève est moins profonde que celle du Marigot, ce qui, avec le phénomène « de la barre » produit à quelques mètres du rivage par la houle de l’Atlantique, oblige souvent les bateaux à aller débarquer leurs marchandises au Marigot. Le bourg est coquet ; la plage belle.
On y remarque l’usine Vivé. Le Lorrain est un grand centre industriel : cultures vivrières, rhum réputé.
Un des spectacles les plus pittoresques est l’embarquement des fûts de rhum à la nage. Ce mode d’embarquement pour le moins curieux est nécessité par l’état de la mer. Des Noirs se mettent à l’eau et poussent devant eux les fûts qui roulent et bondissent sur le dos des lames jusqu’au voilier où on les hissera.
Les rivières de cette partie de l’île constituent un de ses plus beaux aspects. La capote qui prend sa source dans le Massif du Carbet, au Fonds-Rose, est une des plus belles rivières du N. Elle se jette dans l’Océan Atlantique après avoir traversé des régions très boisées, coulant sur un lit très encaissé formé de rocs durs. Elle forme, à mesure qu’elle s’approche de la mer, des bassins naturels de plus en plus fréquents. L’ensemble rappelle les Gorges du Tarn par la couleur noire et l’impression d’isolement et de grandeur sauvage qu’on y ressent. Souvent le courant de ces rivières est impossible à remonter.
PROLONGEMENT FACULTATIF
Du Lorrain, on peut se rendre directement à l’Ajoupa-Bouillon. Mais il serait regrettable de ne point voir les bourgs extrêmement curieux de Basse-Pointe, Macouba et Grand-Rivière. Il faut compter une heure de plus, en ne s’arrêtant que quelques minutes aux endroits pittoresques.
En venant du Lorrain, on roule pendant 4 km en chemin plat. C’est le plateau de Basse-Pointe.
BASSE-POINTE
À l’extrémité N. du bourg de Basse-Pointe, sur une haute falaise qui regarde la houle du Canal de la Dominique, s’échevèlent des cocotiers. L’église et le cimetière dominent le flot enragé. Des lianes pendent en guirlandes, du haut de ces falaises abruptes tandis que des cascatelles s’émiettent dans la mer. Par beau temps, on discerne les côtes de la Dominique voisine.
Commerce actif : cacao, sucre de canne, café, légumes du pays, charbon, bois de constructions. Dans ses forêts épaisses, on trouve ces fameux gommiers dont les Caraïbes utilisaient déjà le tronc pour en faire des canots appelés également « gommiers ».
LE MACOUBA
Tous les bourgs du Nord présenteront cette particularité déjà indiquée dans l’étude géographique: hautes falaises, dominant parfois des plages de galets apportés par la mer, et s’interrompant pour former des « fonds », généralement habités par des pêcheurs. Pour traverser la plage du Macouba, il faut sauter de galet en galet. Le Macouba se trouve à l’extrémité N. de la Martinique.
Le bourg, un des plus anciens de la colonie, possède une église qui date du XVIIIe s. Son maître-autel, semblable à celui de l’église du Marin, est une pure merveille. Le père Labat a résidé au Macouba. Le cimetière du Macouba est un des plus jolis cimetières de campagne qui se puissent voir. Cimetière marin. Le territoire du bourg est sillonné par de nombreux ruisseaux qui coulent dans les véritables canons que forment les contreforts de la Montagne Pelée.
La curiosité du Macouba est la grotte naturelle qui s’est formée, face à la mer, sous la falaise. Dans cette grande excavation coule une rivière. Un peu au-dessus de la grotte, se trouve une chapelle où l’on se rend souvent en pèlerinage. Cette grotte donne une impression de grandeur qu’augmentent encore les véritables tuyaux d’orgue qu’ont creusé les eaux d’infiltration le long des parois. Cette promenade demande 40 min de plus que le temps prévu pour l’excursion.
La mer est si démontée que les plus intrépides baigneurs ne peuvent s’en approcher à plus de 30 m. On n’y peut prendre en réalité que des bains d’écume, en se tenant derrière les rochers. En général, les baigneurs se donnent la main, pour ne pas être emportés ou projetés au loin, surtout à l’embouchure de la rivière du Macouba où la mer est particulièrement furieuse.
Le Macouba, au nom caraïbe, a jadis été le centre d’une industrie prospère : celle du tabac ; le tabac du Macouba était particulièrement renommé pour son odeur de violette. Balzac, dans Le Père Goriot en fait fumer à ses héros. Il est regrettable qu’on ait presque abandonné cette culture. Maintenant le Macouba produit de la canne à sucre, du café, du cacao. La terre y est extrêmement fertile. C’est une des communes les mieux arrosées de l’île.
GRAND-RIVIÈRE
La visite du bourg de Grand-Rivière n’est pas prévue dans notre itinéraire, à cause de l’état des routes. Ce coin, très apprécié des touristes, n’est accessible
qu’à ceux qui ont quelques jours à consacrer à la visite de l’île. C’est une falaise noire dont les pieds s’enfoncent dans le sable blanc. On n’y arrive qu’après une montée ardue où seules triomphent les solides Fords. Le bourg bâti sur le roc est borné au N. par le canal de la Dominique, barré au S. par les derniers contreforts peu élevés de la Montagne Pelée. Il
est enfermé dans un cirque de verdure, d’où dégringolent des lianes. Des touffes de bambous s’accrochent aux flancs de la montagne. Par une faille, la rivière tombe dans la mer. Au pied de la falaise, on découvre un ravissant village de pêcheurs où des peintres américains se sont retirés quelque temps, pour y vivre à l’indigène. La côte est assez variée comme aspect, à la fois escarpée et basse, sablonneuse et rocheuse.
La présence de grottes naturelles au-dessus du niveau de la mer a fourni d’intéressantes interprétations géologiques au sujet de l’époque à laquelle se serait soulevée cette partie N. de l’île.
Le plus souvent, on se rend à Grand-Rivière par mer. On peut aussi partir du Morne-Rouge. Le commerce y est peu important. Le débarquement des fûts de rhum y est assez curieux. Le bateau se tient au large des récifs. Du bord, on lance les fûts à la mer au moyen de cordes et des nageurs les remorquent jusqu’à terre.
L’hospitalité des gens de Grand-Rivière est proverbiale.
L’ANSE À COULEUVRES
Cette petite localité au nom inquiétant se trouve non loin de Grand-Rivière. On y arrive en canot. À vrai dire, depuis l’introduction de la mangouste, on y découvre moins de serpents qu’auparavant. Sous cette masse de verdure toujours humide, aux relents empoisonnés, se cache parfois le dangereux trigonocéphale.
La chasse aux serpents est un sport très apprécié. Elle se fait à l’aide de bâtons qui servent à dépister le trigo de dessous les roches où il se love. Lorsqu’on trouve la peau qu’abandonnent les serpents lors de leur mue, on sait qu’ils ne sont pas très loin.
À l’Anse à Couleuvres, la nature offre une vie simple, primitive et facile. Tous les arbres fruitiers y poussent d’eux-mêmes en abondance. On y remarque de grandes savanes, véritables pâturages et d’immenses cocoteraies.
RETOUR — AJOUPA-BOUILLON
On repart de Basse-Pointe, comme nous l’expliquions plus haut. Avant d’arriver à l’Ajoupa-Bouillon, on traverse le pont de la Falaise, ouvrage d’art dont l’exécution particulièrement difficulteuse fait honneur aux ingénieurs de l’époque. On y trouve de nombreuses rivières parmi lesquelles il faut citer la Rivière Blanche et la Rivière Noire.
La région est très boisée. Nous retrouvons la végétation sombre et dense du N. Pour les excursions à pied, il existe un itinéraire intéressant : c’est le trajet de Balata à Sainte-Marie, par les bois de l’Ajoupa-Bouillon. On rencontre de nombreux ravins. Seuls les gardes forestiers peuvent servir de guides. Près du bourg, on remarque un ravin où tombe une cascade qui disparaît dans un gouffre.
Le bourg est assez pauvre. Son climat, très sain, en fait un lieu de villégiature fort apprécié.
L’industrie des balais faits de feuilles de latanier y est prospère.
La route jusqu’au Morne Rouge contourne le pied de la Montagne Pelée, enjambe une dizaine de vallées sur des ponts tous semblables. Elle traverse des forêts d’arbres magnifiques : bois-canon, aux feuilles doublées d’argent ; fougères empanachées, aux stipes altiers, supportant toutes sortes de parasites ; orchidées, mousses, lichens, lianes vertes et jaunes à profusion, fourrure verte des bambous. Dans la pénombre fraîche, on entend le chant presque humain des « siffleurs » invisibles.
Au retour, on apercevra à Absalon, l’extraordinaire colibri à aigrettes. Tout le long du chemin, on est accompagné par l’odeur particulière des mousses, des fougères, des bois humides, de la végétation saturée d’eau.
Morne-Rouge, Saint-Pierre, Fonds Saint-Denis, Deux-Choux, L’Alma, Balata (Voir excursion n° 1).
PLATEAU DIDIER
De Balata, prendre le chemin des Rochers, 4 km avant d’arriver en ville pour atteindre le Plateau Didier.
À signaler, entre Didier et Absalon, le Saut de Duclos qui prend naissance dans les Pitons du Carbet. On n’y peut accéder que par permission spéciale (prise d’eau). Deux tunnels à traverse. Chute d’une vingtaine de mètres. Chemin accidenté et dangereux. Site d’une saisissante beauté. Couleur sombre très poussée.
Didier est le quartier blanc créole en général : magnifiques propriétés de maître : pelouses, bosquets, jardins fleuris. Villa du gouverneur, de chef de cabinet, de négociants, de commerçants, usine électrique, évêché, réservoir d’eau de la ville. Vue superbe sur la ville et la vallée de la Rivière-Levassor.
EXCURSION DU SUD
Aller. –– Fort-de-France, Lamentin, Ducos, petit-Bourg, Rivière Salée, Trois-Ilets, Anses d’Arlet, Diamant, Sainte-Luce, Rivière-Pilote, Marin, Vauclin, François.
Retour.–– a) Lamentin - Fort-de-France : 8 h env.
b) Robert, Trinité, Gros-Morne, Saint-Joseph, La Redoute, Fort-de-France : 9 h env.
Après avoir quitté Fort-de-France, on traverse les faubourgs très populeux et bien organisés, de Sainte-Thérèse et de la Dillon. Il y a à la Dillon une belle usine à visiter. La route, jusqu’au Lamentin, circule à travers des champs de canne.
VISITE D’UNE USINE DE CANNE À SUCRE
Fabrication du rhum et du sucre. Au cours de ses randonnées, le voyageur qui peut consacrer quelques jours à la Martinique se doit de visiter une des usines et une des distilleries de l’île.
La canne à sucre est une graminée dont la reproduction, si étrange que cela puisse paraître, ne se fait pas par graines, mais par plants. On enfonce dans la terre la partie supérieure d’une canne adulte que l’on a préalablement débarrassée des feuilles lancéolées et des fleurs, véritables boules d’étoupe, qui l’empanachaient.
On commence les travaux de fumage et de labourage en septembre. La mise en terre des plants dure plusieurs mois. ·
Les trois espèces de canne les plus employées sont : la canne Bourbon, la canne rubannée et la canne cristalline.
La récolte se fait l’année suivante, en janvier. Dès 5 h du matin, les travailleurs Noirs peinent dans les champs, sous le frémissement blond et vert des cannes agitées par la brise. Jusqu’au soir, très tard, ils faucheront les cannes avec leurs coutelas aiguisés. Leurs mouvements sont si rapides et si souples que l’on comprend qu’aucune machine ne puisse lutter de vitesse avec eux. Ils ne s’arrêtent que pour manger ou pour boire avidement le rhum et l’eau que leur offre la « donneuse d’eau ». Ils sont vêtus d’un pantalon bleu que serre autour de leur taille une ceinture de cuir. Un chapeau de paille à large bords ou encore un foulard rouge leur couvre la tête. Leur buste nu et bronzé, ruisselle de sueur.
Un « commandeur », à cheval, les surveille.
Les cannes coupées sont chargées sur un chariot, puis déversées dans des wagons qui les porteront à l’usine, le long des étroites voies ferrées.
Les usines sont généralement de vastes bâtiments en fer que dominent de hautes cheminées. L’ensemble est sombre, presque noir.
À l’intérieur, des ouvriers-mécaniciens nègres, sous la surveillance d’un contremaître, Noir aussi, exécutent les gestes précis que requiert leur tâche individuelle.
Les wagons chargés sont vidés dans une fosse. Un plateau élévateur reçoit les cannes et les apporte à une première machine, le déchiqueteur, qui les déchire sans en extraire le jus.
Du déchiqueteur la canne est transportée automatiquement par un trottoir roulant vers une série de trois moulins qui, avec leurs trois rouleaux respectifs, la broieront et en extrairont le jus.
Le jus est aspiré par des pompes, recueilli dans une fosse et envoyé dans des bacs à défécation. Ce liquide est appelé vesoul. Il est brun. Assez épais, et extrêmement sucré. Dans les bacs il est mélangé à du lait de chaux qui le clarifie, le rend plus alcalin et le débarrasse des impuretés qu’il renfermait. On enlève l’écume abondante qui se forme à la surface de ce liquide qui est envoyé sous pression dans des filtres spéciaux où il achève de se clarifier.
À l’aide de pompes, le jus clarifié est dirigé vers une série de caisses appelées triple, quadruple et quintuple effets, selon qu’elles sont accouplées par séries de 3, 4, ou 5 caisses. Le jus est soumis à une cuisson dans le vide et est concentré jusqu’à 40° Baumé. En passant d’une caisse dans l’autre, le jus se concentre, devient noir et constitue ce qui s’appelle le sirop de batterie. Ce sirop mélangé à de la farine de manioc est un dessert favori des Martiniquais.
Des effets, le sirop est envoyé dans les cuiseurs où il se cristallise pour former le sucre blanc cristallisé dit de premier jet que l’on sépare de la masse sirupeuse à l’aide de turbines
centrifuges tournant à une très grande vitesse.
On cuit de nouveau le résidu sortant des turbines, pour obtenir successivement un sucre en poudre moins blanc dit de deuxième jet et enfin un sucre brun dit de troisième jet. Le dernier résidu, c’est la mélasse, qui sera utilisée pour la fabrication du rhum industriel.
Le sucre ainsi obtenu est placé dans des sacs de toile pour être livré à la consommation, et expédié en Europe.
On comprend qu’à chaque usine soit adjointe une distillerie pour l’utilisation de la mélasse.
La mélasse est envoyée à l’aide de pompes dans le bac à composition. De là, elle passe dans le mustimètre où elle est mélangée à de l’eau selon le degré de fermentation que l’on désire obtenir. Du mustimètre, elle va aux cuves à fermentation où on lui incorpore une certaine quantité de moût déjà en fermentation.
La fermentation commence 12 heures après le chargement de la cuve. Après 5 ou 6 jours, on envoie le moût fermenté dans des alambics chauffés à la vapeur.
Le résultat de la distillation est un liquide incolore, le tafia, qui pèse environ 56° réels de Gay-Lussac.
On y ajoute du caramel pour le colorer en brun. Il devient alors le rhum dit industriel. Après avoir été mis en futailles, il est livré à la consommation et surtout expédié sur la métropole.
Un rhum particulièrement apprécié dans la colonie est la grappe blanche ; c’est le rhum dit agricole, que souvent, on laisse vieillir naturellement. Il est obtenu par la distillation du jus de canne pur, auquel on ajoute de l’eau et un peu de ferment pour achever la transformation du moût.
Le rhum habitant est obtenu en distillant le sirop de batterie. Mais ce procédé ne s’emploie guère maintenant.
LE LAMENTIN
Le Lamentin est une petite ville importante située dans la plaine du même nom, à 12 km de Fort-de-France. C’est la seule vraie plaine de l’île. Elle est couverte
de marécages, de mangles et de palétuviers, ce qui la rend particulièrement malsaine. Ces plaines basses sont magnifiquement drainées et mises en exploitation. On y remarque deux usines : Soudon et Lareinty, la plus perfectionnée des Antilles. Ce sont d’immenses domaines plantés en canne à sucre, très fertiles et très riches. Le Lamentin exporte du rhum et du sucre.
La ville du Lamentin est bien organisée et possède un bel éclairage public.
DUCOS
Ducos, anciennement connu sous le nom de « Trou au Chat » que les gens du peuple prononcent « Trochat », doit sa nouvelle appellation au Ministre des Colonies Ducos, qui, en 1855, défendit le sucre antillais.
On y accède par une côte particulièrement raide. Le voisinage de la plaine du Lamentin rend son climat malsain, malgré la situation élevée de ce bourg propret.
COMMUNE DE RIVIÈRE-SALÉE
Petit-Bourg –– On traverse ensuite le Petit-Bourg qui est une ancienne agglomération. Dans notre étude géographique, nous avons parlé de son canal de 3 km, navigable, mais malsain. Les moustiques y sont particulièrement désagréables.
À 1 km de là s’élève le GRAND-BOURG. Entre ces deux quartiers, on peut voir encore une grande usine, le premier moulin à vapeur installé à la Martinique en 1820 par le comte de Maupon.
Principales productions : cacao, bois de campêche, légumes du pays, canne à sucre.
Un service de bateaux relie le Lamentin et Rivière-Salée à Fort-de-France. Non loin des Trois-Ilets, se trouve l’anse à l’Âne dont l’eau est d’un bleu très limpide, sur un sable excessivement blanc.
C’est au Trois-Ilets que commence vraiment la partie S. de l’île, bien distincte de la plaine du Lamentin qui est au centre.
Avant 1849, on désignait les Trois-Îlets sous le nom de Trois-Bourgs, car cette localité avait été à l’époque réunie à Rivière-Salée. Maintenant elle forme une commune indépendante qui tire son nom de trois petites îles situées sur la côte et disposées en triangle.
Voir dans son église les fonts baptismaux et une intéressante pierre tombale. Un musée y a été créé en mémoire de Joséphine Tascher de la Pagerie, impératrice des Français, qui y vit le jour. À signaler aussi la Poterie Hayot, où l’on fabrique des carafes, des tuiles, des briques et toutes sortes de vases. Le bourg des Trois-Îlets tire de grandes ressources de la fabrication de la chaux.
En regardant vers les Anses d’Arlet, on y découvre une vue magnifique de la baie de Fort-de-France, l’Îlet à Ramier, avec, dans le lointain, les Pitons du Carbet.
C’est une région aride, que dessèchent, chaque année, les chaleurs du Carême. La route est difficile et peu fréquentée. Les feuillages présentent des coloris merveilleux : ocre, rose, jaune, roux, des tons de pastel. Certains bois gommés sont rouges de résine.
LES ANSES D’ARLET
Coin perdu et se suffisant à lui-même, semble-t-il. Commerce presque inexistant. La sécheresse y sévit. Le bourg s’élève entre deux petites anses, au pied du morne du Diamant. La côte est très saine, la plage chaude, mais superbe : eau calme, cristalline, vert émeraude. C’est un lieu de villégiature agréable comme le bourg voisin : le Diamant
LE DIAMANT
Ce bourg doit son nom au gros rocher qui se dresse à un mille environ de la côte, en face de sa baie largement ouverte. Le bourg est bâti un peu en retrait de la plage qui offre un coup d’œil magnifique : sable blanc et gris, mer agitée, hautes lames d’un vert bleu, frangées d’écume brillante. À partir du Diamant, le bleu de la mer est particulièrement beau.
SAINTE-LUCE
La route qui mène à Sainte-Anne traverse un pays desséché où l’on voit encore des restes de plantations d’aloès. La vue sur la presqu’île de Sainte-Anne, d’un vert profond et velouté, est ravissante.
Nous arrivons au bourg isolé de Sainte-Lucie. Cette pittoresque agglomération, située au pied du Morne Caraïbe, marque la limite entre un pays desséché et une région bien arrosée.
RIVIÈRE-PILOTE
La route est difficile et très variée. Avant d’arriver à Rivière-Pilote, stationner un moment pour jouir de la vue splendide à vol d’oiseau que l’on découvre de haut des collines, sur les environs et l’Océan.
La commune doit son nom au « Capitaine Pilote », un caraïbe, qui en avait fait sa demeure. Elle est située à 2 km de la mer. Contrastant avec les localités que nous venons de traverser, celle-ci est bien arrosée par la Grande et la Petite Rivière. Elle est très fertile. Dans les nombreux fonds de ce pays très accidenté, on cultive la canne à sucre, le cacao, le café, le coton, l’ambrette ou gombo-musc ; toutes sortes de fruits et légumes. On y fabrique de la chaux avec les pierres madréporiques et les « cornes de lambis », énormes conques marines. L’élevage, la pêche et l’industrie forestière y sont prospères.
Le bourg, malheureusement trop encaissé, possède une belle église.
LE MARIN
La route qui conduit au Marin, comme toutes les routes de la région, traverse des gorges profondes.
En 1762, la milice des hommes de couleur s’illustra en repoussant victorieusement l’ennemi dont les troupes dix fois plus importantes débarquaient à la Pointe Borgnèse, à l’Anse Figuier et à la Pointe Dunkerque.
Le Marin est situé au fond d’une baie fermée, vaste et sûre, extrêmement pittoresque. L’entrée en est rendue assez difficile par la présence de hauts-fonds de vase.
La baie est entourée de collines brûlées qui se reflètent dans l’eau. Elle fut protégée à une extrémité par un fort qui possède un souterrain aujourd’hui comblé. C’est un lieu de promenade agréable. À signaler le cimetière, véritable cimetière marin, qui descend en pente douce vers l’eau bleue. Les dernières tombes se trouvent à quelques mètres du bord. Ce cimetière semble moins triste que les autres. On y remarque la tombe des deux frères Duquesnay.
Les maisons du bourg sont vieilles en général et couvertes de lattes grises. L’église est curieuse. Elle possède un maître-autel magnifique, réplique de celui du Macouba. La grille
du chœur est joliment ouvrée.
Productions : cacao, coton, poisson, légumes et fruits.
SAINTE-ANNE
Du Marin, on peut aller en canot ou par la route au bourg coquet de Sainte-Anne, placé de l’autre côté de la baie. Entre le Marin et Sainte-Anne, l’on voit d’un seul côté de la route, une magnifique allée de palmiers. Le bleu de la mer y est particulièrement délicat, on dirait presque limpide, car on aperçoit à travers le sable blanc de la baie. On retrouve ce même bleu dans la baie des Castries, capitale de l’île anglaise de Sainte-Lucie au sud de Sainte-Anne.
Sainte-Anne est surtout célèbre pour sa Savane des Pétrifications qui représente une des plus grandes curiosités des Antilles (se reporter à l’étude géologique). La Savane est un désert de sable et de pierre. De loin en loin, on aperçoit quelques arbrisseaux rôtis de soleil dont la couleur grisâtre ajoute à la nudité du lieu quelque chose de sauvage et de rébarbatif. Pas d’eau, quelques chèvres dont le pelage roux se confond avec la couleur dominante du paysage. Un sable brûlant, une atmosphère d’incendie. De gros oiseaux marins s’ébattent par milliers sur les récifs et sur les rocs calcinés. C’est une série de paysages mauves, bruns, roux, tous plus brûlés les uns que les autres. On est frappé par la maigreur osseuse de certains sites, par la rudesse de leur profil. De loin en loin un manguier inattendu dresse son feuillage rond, d’un vert frais. Des taches violettes ; çà et là, des touffes d’herbes roussies. On y trouve des cactus à profusion.
On ramasse, dans cette Savane, des échantillons de bois pétrifié, c’est-à-dire de bois dont chaque cellule fibreuse sous l’action de l’eau chargée de silice a été remplacée par de la pierre : phénomène de pseudo-morphose. Ce bois a l’aspect du jaspe et de l’agate à la fois. Toute une variété de cailloux se présente ainsi à votre observation qui n’est que de la silice à laquelle différents oxydes donnent une couleur différente.
M. Charlet, nous dit : « Il faut aller voir la Savane des Pétrifications. N’en déplaise aux « blasés » elle est la neuvième merveille du monde. En deux points du globe seulement on a trouvé jusqu’ici des bois silicifiés ; près d’Autun, en France, et dans l’Arizona, aux États-Unis. Les premiers étonnent par leur parfait état de conservation ; les seconds par leur remarquable coloration ; ceux de Madinina offrent l’un et l’autre ».
Sainte-Anne est donc un des points les plus importants pour le tourisme martiniquais. Elle offre des bains agréables et toutes les ressources de la chasse et de la pêche. Les moutons de pré-salé sont renommés. La nourriture y est très saine.
LE VAUCLIN
De Sainte-Anne au Vauclin, nous retrouvons une région agricole fertile, mais où l’eau manque encore. Routes encaissées. Paysage de terres d’intérieur très caractéristique. Le Vauclin est un bourg ravissant, très coquet et prospère. La plage est fraîche et riante. Sous les immenses cocoteraies, on a installé des bancs pour les promeneurs. De là, on voit la mer se briser sur les îlots, les rochers et les récifs du large. La baie est largement ouverte sur l’Atlantique. La montagne du Vauclin est l’un des plus anciens volcans de l’île.
Productions : cacao et café d’une saveur très appréciée, canne à sucre et légumes. L’eau y est rare cependant. Aussi rencontre-t-on de nombreuses petites mares où on la recueille pour les bestiaux.
LE FRANÇOIS
Sur la route, vers le François, voir sans s’arrêter la minuscule station balnéaire de la Frégate, composée d’un simple bassin. On attribue à son eau des cures merveilleuses dans les maladies du foie. On y sent une odeur de marécages. L’endroit est assez désert, couvert de gazon ras. Vers Le François, région maritime, raisiniers, oliviers.
Le François, situé sur un contrefort de la Montagne du Vauclin, est un bourg important. Il possède une belle église. Sa plage se trouve à une centaine de mètres du bourg. Un petit canal la relie au bourg. Sa baie est fermée par l’Îlet Lavigne. Au large, se trouvent des bancs de sable, riches en coquillages comestibles (sourdons).
Ressources : la pêche, la canne à sucre, les vivres du pays et le café.
RETOUR
a) Lamentin (Voir à Croix-Rivaille, le Château d’Aubéry) ; Fort-de-France.
b) ROBERT. –– Cette Commune a beaucoup souffert des effets du déboisement. Les mornes dénudés qui l’entourent lui ôtent un peu de son pittoresque. Cependant, les petits îlets qui ferment sa baie profonde et large lui donnent un aspect charmant. Le Robert est bâti, comme tous les bourgs du N.-E. sur un talus qui s’abaisse pour former des « fonds » assez malsains, tandis que le Vert-Pré, situé à 350 m d’alt. présente de remarquables conditions de salubrité.
Ressources et industries : pêche, sucre, rhum, fabrication de la chaux.
LA CARAVELLE
Cette excursion n’est pas comprise dans le présent itinéraire. On peut la faire au cours d’un séjour dans les environs ou en partant de Fort-de-France. Il faut compter alors une journée. Cette presqu’île rongée par les flots, incessamment battue des vents de mer, a été justement appelée « la nageoire » de la Martinique. C’est un des points les plus curieux de l’île. La route qui y conduit est carrossable jusqu’à 300 m du phare qui se dresse à son extrémité. A chacun des détours de cette route, des paysages toujours différents s’offrent à nos yeux. Plaines ensablées et peu larges, replis de terrains boisés. Champs de canne à sucre. Le petit village de Tartane se niche sous les manguiers sombres. Voici, plus loin, une haute et frêle barrière de filaos.
Maints vestiges d’un passé cruel et héroïque s’y retrouvent : au pied du phare, les ruines du château des Dubuc de Saint-Prix, d’anciens travaux de maçonnerie encore intacts, de magnifiques pierres de taille, des réservoirs, des abreuvoirs. Sur l’emplacement du château, les arbres qui ont poussé au pied des vieux murs ont fait éclater les pierres qui tombent les unes après les autres. On y voit encore le souterrain qui conduisait à la mer et que les châtelains utilisèrent lors d’une révolte d’esclaves.
L’extrémité de la presqu’île s’arrondit pour former une baie, la baie du Trésor, où échoua une caravelle chargée d’or que poursuivaient des pirates espagnols. D’où le nom de la baie et celui de la presqu’île. Dans la direction de Sainte-Marie, la mer démontée n’est qu’un jaillissement d’écume sur laquelle se détachent çà et là des rochers noirs aux noms suggestifs tels que la Table du Diable.
La construction du phare est due au lieutenant de génie Mary. Ne pas manquer de visiter la tourelle ronde où se trouve un curieux escalier tournant à l’aide d’une cage cylindrique et de 21 disques de pierre empilés les uns sur les autres. « Chaque marche ainsi que son disque est taillée dans un seul bloc de pierre. »
« Cet escalier débouche sur un balcon circulaire d’où un deuxième escalier de fer nous conduira sur une plate-forme entourée de fortes vitres où s’allume une énorme lampe de cuivre emprisonnée dans une cage de verre en pain de sucre faite d’épaisses lames prismatiques. » (Thomarel).
Trinité, Gros-Morne, Saint-Joseph, La Redoute, Fort-de-France (Voir excursions n° 1 et 2).
VOYAGES CÔTIERS
Pour les services côtiers, voir les renseignements généraux.
L’étude géographique nous a fourni tous les détails nécessaires sur la formation des côtes.
Les excursions précédentes nous ont permis de visiter la presque totalité des bourgs de l’île, généralement placés sur les côtes.
On peut se rendre en bateau au Prêcheur, au Carbet, à Case-Pilote que nous n’avons pas vus au cours des excursions précédentes.
LE PRÊCHEUR
Village du N.-O. de l’île, doit son nom à un rocher qui, au début de la colonisation, s’élevait en face du bourg. Ce rocher, maintenant disparu, présentait une
ressemblance frappante avec un prêtre en chaire, le bras tendu vers la terre.
On ne voit, de la mer, qu’une ruée continuelle de vagues et d’écume. Le village, après avoir beaucoup souffert des premières manifestations du volcan, a dû être évacué pendant
les dernières éruptions. Il est, en effet, placé entre deux contreforts de la Montagne Pelée, dans un pays qui a gardé l’empreinte des diverses convulsions du sol, sous l’action du volcan. Le Prêcheur possède de riches cultures de cacao dans les vallées fertilisées par la lave. La principale ressource du Prêcheur était la pêche. Une rivière le sépare des Abymes, son hameau.
C’est au Prêcheur que fut érigé, en 1875, un monument en mémoire de Duparquet, premier gouverneur de la Martinique, près de la pierre tombale portant le nom de sa famille. On pouvait encore voir cette pierre avant les éruptions volcaniques de 1902.
Le bateau de Fort-de-France s’arrête deux fois par jour à Saint-Pierre et au Carbet.
LE CARBET porte le nom d’une hutte caraïbe. C’est au Carbet que Colomb débarqua le 15 juin 1502. Nous avons parlé de l’aspect caractéristique de cette localité, avec sa splendide cocoteraie, lors de l’arrivée à Fort-de-France. Si la chaleur est parfois intolérable au Carbet, son faubourg, le Morne-Vert, placé à 6 km de là, à 522 m d’alt., offre avec la fraîcheur de la température, de remarquables conditions de salubrité.
On montre encore, sur la petite île que forment les deux bras de la rivière du Carbet, l’emplacement de la maison de plaisance que Duparquet y fit construire.
Le mouvement d’affaires du Carbet a considérablement diminué depuis la disparition de la fabrique d’allumettes chimiques qu’il possédait.
Non loin du Carbet, toujours sur la côte aride bordée de falaises, se nichent dans une anse profonde CASE-PILOTE et son annexe BELLEFONTAINE. Cette dernière fut célèbre au XVIIIe s. pour ses canéficiers. Cultures : cacao, cannes, vivres du pays.
Dans la baie de Fort-de-France, indiquons l’Îlet à Ramiers, îlet fortifié qui s’élève en face des Trois-Îlets.
ROCHER DU DIAMANT
Il faut consacrer au moins 2 h à cette excursion, et si l’on en a le temps, une journée entière. L’on y va, du Diamant, en canot, mais il faut contourner nombre de récifs, et faire arrêter le canot à quelque distance du rocher, car les vagues furieuses auraient tôt fait de le briser là-contre. À dos d’homme, l’on est transporté jusqu’au pied du rocher, sur sa face la moins abrupte. C’est une haute masse basaltique de 175 m de haut, présentant des tons noirs et roux, les arbres y poussent nombreux, gigantesques, sauf sur la partie abrupte, sans cesse giflée par le vent. Pour en faire l’ascension, il faut se coller à la roche et insérer pieds et mains dans les nombreuses excavations qui servent de nids aux « trouaous » (oiseaux du Rocher). Ils y déposent leurs œufs dont les habitants du Diamant font commerce. Effarouchés par ces visites insolites, du même coup d’aile, tous les trouaous quittent leurs nids, et le rocher noir tout à coup se trouve couronné d’ailes blanches et bruissantes. L’intrépide touriste qui parvient au sommet est récompensé de sa peine par la vue du canal de Sainte-Lucie et de l’île voisine, toute bleue de brume. Mais il ne saurait regarder au pied du rocher du coté où il est à pic, sans éprouver le vertige. Au sommet du rocher se trouve le tombeau d’un général anglais. Une légende y situe un trésor déposé là en des temps troublés, comme dans tout îlet qui se respecte. Le touriste moins ambitieux pourra jouir d’un spectacle aussi intéressant : un jet d’eau naturel qui s’élance d’une énorme excavation creusée par la mer au flanc du rocher et où elle se précipite comme dans un siphon. On peut d’ailleurs s’y baigner d’écume en restant prudemment sur le bord.
Ce site sauvage presque perdu entre Sainte-Lucie et la Martinique dans un canal houleux exercera sans doute une étrange attirance sur le touriste. Les indigènes en parlent d’ailleurs avec une crainte religieuse.
Tout le long de la côte orientale, en remontant vers le N., nous rencontrons de nombreux îlets, des récifs et des Cayes ou Loups.
Les îlets de Sainte-Marie, l’Îlet Saint-Aubin et le Banc de Sable, sont non seulement très pittoresques, mais encore très instructifs à visiter. C’est là qu’on peut étudier les effets remarquables de l’érosion sur la côte orientale, la plus intéressante d’ailleurs, du point de vue géologique. Les amateurs de pique-niques en ont fait leur lieu favori d’excursion. Les crabes très nombreux dont les trous se cachent sous un lit de feuilles mortes, promettent une chasse fructueuse.
On y va généralement en canot. Quelques particuliers possèdent des canots à vapeur, mais les îlets ne sont généralement pas très éloignés des côtes.
(Lire la suite : Martinique — Renseignements généraux sur la colonie)