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MARTINIQUE
Étude géographique

Paulette Nardal

Guide des Colonies Françaises : Martinique, Guadeloupe, Guyane, St. Pierre-Miquelon, Paris, Société d’Éditions Géographiques, Maritimes et Coloniales, 1931.

II. ÉTUDE GÉOGRAPHIQUE

À 110 km de la Guadeloupe, entre la Dominique et Sainte-Lucie s’allonge la Martinique.
Quand on dit que la Martinique s’allonge, on semble exprimer tout le contraire de l’impression qu’elle produit sur la carte. Penchée au N.-O., toute recroquevillée au S.-O., elle semble faire le gros dos sous les assauts répétés de l’Océan Atlantique, tandis qu’elle pousse vers les vieux continents l’« aileron » de la Caravelle. Sa côte orientale extraordinairement déchiquetée est une véritable dentelle rocheuse.
La Martinique est parcourue en tous sens par les arêtes dures de ses montagnes et de ses pitons. On n’y trouve qu’une plaine digne de ce nom, c’est la plaine du Lamentin. L’aspect général de l’île est assez tourmenté.
La Martinique ne compte pas plus de 80 km, dans sa plus grande longueur, elle mesure 30 km. dans sa plus grande largeur et 12 seulement entre la baie de Fort-de-France et le Havre du Robert.
Sa superficie est de 110.629 ha. Ce chiffre a été établi d’après de récents levers photographiques aériens. Il dépasse de 11.847 ha le chiffre qu’indiquent jusqu’à présent les cartes de la Martinique.
Pour donner à l’étranger sous une forme concrète une idée de l’exiguïté de cette île, il est d’usage d’ajouter qu’elle représente deux fois la superficie du département de la Seine, le plus petit département de la France.
La Martinique est placée au centre du demi-cercle que forme la chaine des Îles du Vent ou Petites Antilles. Elle est située dans le Tropique du cancer, entre le 14°26’ et le 14°53’ de lat. N., et le 63°34’ de longitude à l’O. du Méridien de Paris.
Elle est comme presque toutes les Antilles d’origine volcanique. II y en a aussi de formation calcaire. Le noyau des Grandes Antilles est granitique et entouré de terrains de transition.
On suppose que les Petites Antilles représentent le bord externe resté en place de la fosse d’effondrement qu’est la mer des Antilles. La Martinique ferait partie de cet arc qui s’étendrait des bouches de l’Orénoque au Yucatan.
Sur la couche originelle de terrains cristallophylliens, la mer aurait déposé des sédiments. C’est donc sur cette plateforme sédimentaire que les éjections volcaniques se seraient accumulées, puis soudées.
C’est vers l’époque tertiaire qu’est apparue l’extrémité S. de la Martinique, à l’époque aquitanienne émergèrent le Morne la Plaine, le Morne du Diamant, etc. Le centre date de l’époque burdigalienne. Il comprend les volcans du Vauclin et du Carbet.
Le système orographique de la Martinique a été déterminé par les éruptions volcaniques dont nous avons parlé plus haut. Les grands centres éruptifs ont donné naissance aux massifs principaux qui sont au S., le Massif du Vauclin, au Centre, le Massif du Carbet et au N., le massif de la Montagne Pelée.
Au cours de cette étude reviendra souvent le mot « morne ». Les mornes sont de faibles éminences au sommet arrondi qui forment un contraste puissant avec les hautes pyramides aiguës que l’on appelle Pitons ou Montagnes.
La clé du massif du S. et du S.-E. est donc la montagne du Vauclin (515 m). Nous avons vu que c’était le massif le plus ancien de l’île. Il rayonne en forme d’étoile dans la partie méridionale de l’île. Les principaux des 20 centres éruptifs que l’on y a trouvés sont : les volcans du Vauclin, du Marin, du Rocher du Diamant, des Roches Carrées, du Morne La Plaine, du Vert-Pré.
Les montagnes du Carbet, formées de roches dures, aux flancs nets, portent le nom de Pitons. Ils détachent vers le Vert-Pré les Mornes Calvaire et Gros-Morne pour rejoindre le massif du Sud. Ces montagnes, par leur position, leur étendue et leur aspect, sont les plus belles de l’île. Elles aussi rayonnent dans tous les sens, vers l’Atlantique (Morne du Lorrain et Bellevue), vers le S. jusqu’à Fort-de-France, vers la mer des Antilles (Cap Enragé et Morne aux Bœufs), au N., vers Montagne Pelée par le Morne Balisier, le Morne Rouge et le Morne Fumé.
La Montagne Pelée, de triste mémoire, est le plus jeune des volcans martiniquais. Les formes, moins nettes que celles des deux premiers massifs, sont encore enrobées par les cendres, les lapilli et les ponces, les boues, les alluvions torrentielles des éruptions. Lors de certains travaux, on peut observer la présence, sous la terre végétale, d’importantes couches de ponce, couleur d’ocre pâle, dont la projection est aussi récente que la formation de la cavité de l’Étang sec. On remarquera que la Pelée est surmontée d’un dôme volcanique et d’un cratère, surgis après la disparition du lac des Palmistes dont on a longtemps cru qu’il était un ancien cratère. Malgré la menace constante du volcan, la Montagne est un des lieux d’excursion favoris de l’île.
Les contreforts méridionaux des montagnes du N. se confondent presque avec les Pitons du Carbet. Vers le N. et le N.-O., elles sont littéralement creusées de vallées profondes où coulent plusieurs rivières dont les plus importantes, sont celles du Prêcheur et de Grand Rivière.
En général, presque toutes ces montagnes se terminent abruptement au-dessus de la mer, donnant ainsi aux côtes un aspect de grandeur sauvage.
L’apparition de la Montagne Pelée et de quelques volcans au S. fut consécutive à l’émersion des volcans du Centre. Pour les autres centres éruptifs on suppose que leur activité date du début du Miocène.
La Savane des Pétrifications, qui représente le phénomène géologique le plus curieux de l’île, doit son origine au mélange des produits volcaniques de la portion orientale de la chaîne du S. aux sédiments marins. Parmi les mornes, les tufs et les labradorites, on recueille de très beaux échantillons d’opale, de jaspe et de bois silicifié. Non loin de cette Savane, à la Pointe des Salines, se rencontrent les couches les plus anciennes de terrains sédimentaires. On y trouve des calcaires blancs compacts que supportent des tufs de labradorite.
On divise généralement les roches éruptives de la Martinique en 5 groupes : les dacites, deux sortes d’andésite, les labradorites et les basaltes. Ces dernières roches sont semblables
au basalte quartzifère trouvé dans certaines régions de l’O. américain.
Les côtes de la Martinique sont, avec certains aspects de la montagne, les points les plus pittoresques de l’île. Leur diversité n’est pas le moindre de leurs charmes. Point n’est besoin d’attirer l’attention du lecteur sur leurs formes régulières, leurs talus et leurs falaises au N. Le contraste que ces côtes offrent avec celles déchiquetées, érodées du S. est assez frappant par lui-même.
La côte orientale, de la baie des Salines au Havre de la Trinité, est excessivement curieuse. Au point de vue géologique, elle offre un très grand intérêt. D’abord, elle termine le plus ancien massif montagneux de l’île. Ensuite, elle présente au N. de la Caravelle et au Vauclin, des affleurements de terrains sédimentaires. Il en est de même pour le Robert, le Galion et la Caravelle. Le travail des vagues, du vent et de l’érosion a fait de cette côte une succession ininterrompue de baies, de presqu’îles, de pointes, bordées d’ilots, d’écueils, de massifs madréporiques : « les cayes » ou « les loups. » Citons en partant du S., les baies du Vauclin, du François, du Robert, de Galion ; les anses et les culs de sac aux noms évocateurs ; les pointes des Salines, l’Enfer, de Ferré, du Vauclin, de Caracoli (souvenir des bijoux caraïbes) ; les îlots : Cabri, Lézard, Long, Thierry, Lavigne, Ramville. Entre la baie du Galion et celle de Trinité s’étend sur une longueur de 15 km et une largeur d’1 km env., la baie de la Caravelle, de sinistre mémoire.
Du Havre de la Trinité au Cap Saint-Martin, les lignes des côtes sont déterminées par les contreforts des Massifs du Nord et du centre. Nous avons dit que leurs falaises, parfois hautes de 15 à 20 m s’arrêtaient à pic au bord de l’eau. Se creusant parfois pour former des « fonds », elles offrent ainsi un abri naturel à des villages de pêcheurs.
Les lignes s’allongent, les formes s’arrondissent. Ici la fureur des vagues est encore plus terrible, mais les montagnes et les terrains plus jeunes résistent mieux. À signaler que l’on a trouvé dans le gisement de Bassignac une grande quantité de fossiles qui remontent probablement au Miocène moyen (Réjon). Des débris volcaniques, des énormes couches de cendre projetées sur le littoral lors des éruptions volcaniques de 1902, il ne reste que peu de traces.
La côte occidentale présente, mais en sens inverse, les mêmes caractères de la côte orientale. Aussi peut-on la diviser également en deux parties :
Du Cap Saint-Martin à la Pointe du Bœuf, la côte est encore plus régulière que celle du N. Le seul accident est la baie de Saint-Pierre qui vient interrompre le talus de 2 m qui borde la côte. Cet accident se reproduira à chaque embouchure de rivière et formera de nombreux « fonds » ou anses étalées où se nichent des villages de pêcheurs et même des bourgs assez importants : Le Prêcheur (détruit par la dernière éruption), Carbet, Belle-Fontaine, Case-Pilote, Schœlcher. Les principaux caps sont le Cap Enragé et la Pointe des Nègres.
À la partie méridionale de cette Pointe commence la rade de Fort-de-France, la plus sûre et la plus belle des Antilles. Il est malheureux que les alluvions des nombreuses rivières qui y aboutissent fassent prévoir le comblement de cette baie admirable. Tout autour, la côte s’allonge paresseusement pour se relever à la Pointe du Bout.
De cette pointe à celle des Salines, nous retrouverons les côtes déchiquetées comme à plaisir de l’extrémité S.-E. avec le cap Salomon, les Anses d’Arlets, le pittoresque rocher du Diamant, nu et aride, à 2 km de la côte, la baie presque fermée du Marin, véritable lac, et enfin la Pointe des Salines.
La température moyenne est de 26° centigrades ; le maximum de son élévation varie suivant la saison entre 30 et 32° à l’ombre et le minimum entre 20 et 22°.
Les trois quarts de la Martinique sont couverts de forêts et de bois inondés. Ces forêts et ces bois absorbent, sans la réfléchir, une énorme quantité de chaleur. Si nous tenons compte de l’évaporation continuelle des eaux de l’Océan équatorial, nous comprendrons que les condensations, du côté de 1’Atlantique, sont considérables et que la région orientale est plus fraîche que la région occidentale. Les ondées, fréquentes et courtes, sont rapidement séchées par le soleil.
Les alizés, vents du N. et vents d’E. soufflent toute l’année et tempèrent agréablement la chaleur. Les vents du S., chauds et humides, sont signes de cyclones ou d’ouragans.
II est assez difficile de diviser l’année en saisons précises. II y a, en effet, des époques de l’année caractérisées par la sécheresse et la chaleur, mais ces phénomènes peuvent aussi se produire à tout autre moment de l’année.
On peut, toutefois, y observer :
Une saison sèche, que l’on appelle Carême. Caractéristiques : maximum de la température 27°. Durée de février à avril.
Une saison chaude. Température maximale 52°.
Pluies abondantes. Durée : mai - juillet.
Une saison chaude et pluvieuse. Temps incertain. Sécheresse dans le S., très déboisé ; pluies torrentielles dans le N. Température maximum : 33°. Durée août - octobre.
Une saison fraîche. Température minimum : 16°. Pluies assez fréquentes. Durée : novembre – janvier. C’est la meilleure époque pour voyager.
D’une façon générale, la température est agréable du coucher du soleil à 8 ou 9 h du matin. Les nuits en décembre sont particulièrement fraîches. Dès 4 h de l’après-midi, c’est la détente. En sortant du travail et après le repas du soir, les habitants des villes se rendent sur les promenades publiques, sur les routes, dans la campagne ou le long des côtes pour jouir de la délicieuse brise vespérale.
La Martinique est une des îles les plus saines des Antilles. La seule maladie endémique est le paludisme que la quinine, prise à petites doses, combat victorieusement. La Martinique présente avec son Massif central une véritable zone climatique. De plus ses sources thermales : Absalon, Didier, Moutte sont réputées pour leurs effets curatifs. Elles sont ferrugineuses, bicarbonatées, sodiques et magnésiennes comme celles d’Absalon et de Didier, chlorurées et sodiques comme celles du Prêcheur (qui n’existent plus) ou bicarbonatées ferrugineuses comme celles de Moutte.
La grande condition de santé pour l’Européen à la Martinique est d’éviter l’abus d’alcool et tous les abus en général.
L’étude du relief du sol ne nous permet pas seulement de déterminer le climat, mais aussi l’hydrographie de la Martinique. C’est pourquoi nous diviserons les cours d’eau de la Martinique en trois groupes : Rivières du S., du Centre et du N.
Le S. qui souffre des effets d’un déboisement intensif et dont les montagnes ont une faible altitude présente des rivières assez courtes, le plus souvent sèches. Elles coulent entre les contreforts arides du Massif du Vauclin. Les deux principales rivières du S. sont la Rivière-Salée, aux eaux jaunes et paresseuses et la Rivière-Pilote. Elles sont navigables jusqu’à 2 km au-dessus de leur embouchure. Elles forment assez souvent des marécages à leur embouchure. Les rivières du Centre sont, comme on peut le prévoir, les plus importantes et les plus longues de l’île. Elles suivent la direction des rayons de l’étoile que forment les Pitons du Carbet et leurs contreforts. Elles sont régulièrement alimentées par les pluies abondantes qui rafraîchissent le Massif du Carbet. Elles peuvent grossir subitement. Quand elles commencent à charrier des feuilles, les lavandières savent qu’il faut fuir leurs bords, car elles se transformeront en véritables torrents, emportant tout sur leur passage et roulant d’énormes blocs de pierre. Les principales sont : la Rivière du Lorrain et le Galion qui se jettent dans l’Océan Atlantique. La Capote aboutit dans la mer Caraïbe et la Lézarde dans la baie de Fort-de-France, après avoir traversé la plaine du Lamentin.
Les rivières du N. sont forcément les plus courtes de l’île, mais non les moins pittoresques. Ce sont, à vrai dire, des torrents, qui n’ont même pas eu le temps de creuser leur lit.
Sur l’Atlantique, surtout vers le Macouba, elles forment de véritables cascades s’élançant des hautes falaises qui surplombent la côte. Nous les avons nommées à propos de l’orographie. Ce sont la Grande Rivière, le Céron, la Roselane. La Rivière des pères et la Rivière sèche qui se jettent dans la mer des Antilles sont des cours d’eau desséchés pendant une grande partie de l’année.
La Martinique est abondamment arrosée par toutes sortes d’eaux courantes, ce qui, avec la fréquence des pluies, explique l’extraordinaire fertilité de son sol. Les produits du sous-sol sont : la pierre à bâtir, la pierre à chaux, le gypse et les sables calcaires. On ajoute généralement
à ces produits les Zéolites de la Savane des Pétrifications que l’on rencontre généralement associées aux jaspes et aux calcédoines.
La pauvreté des terres martiniquaises en potasse, en chaux et en acide phosphorique ne semble pas influer sur l’état de la végétation. Les pluies fréquentes viennent contrebalancer avantageusement les fâcheuses conséquences qu’aurait pu entraîner pour les cultures l’absence de ces produits.
Le fer abonde partout. Il provient de la décomposition des roches volcaniques.
Si la terre végétale est à peu près dépourvue du phosphore et de la potasse indispensables à l’agriculture tropicale, ces produits se retrouvent en très grande quantité dans le sous-sol moins exposé à l’infiltration des pluies qui lavent la partie arable.
On tire la chaux nécessaire de certaines roches madréporiques. L’abondance de la magnésie favorise grandement les cultures industrielles et agricoles. Le sous-sol martiniquais est à peine prospecté. On a trouvé cependant des traces de pétrole dans le S. de l’île et près du Vauclin.
Les principales industries locales sont celles du sucre, du rhum, des liqueurs, du tannin, du chocolat, des conserves d’ananas, d’exportation de la banane, la fabrication de la glace, du chocolat, des pâtes alimentaires, de la bière non alcoolisée. N’oublions pas l’essor que peut prendre l’industrie de la pêche à la Martinique, à cause de l’abondance du poisson. Citons aussi d’intéressants travaux de bourrellerie, d’ébénisterie, de charronnerie, de scierie, de cordonnerie, de construction.
La canne à sucre fut importée à la Martinique en 1654 par des Hollandais chassés du Brésil. Cette plante devait faire la richesse de l’île. Sa culture est favorisée par l’humidité et la chaleur du climat. L’air du littoral lui convient admirablement. Un hectare de terre produit en moyenne 50.000 kg de canne et 6 à 8 0/0 de sucre.
La canne constitue la culture principale de l’île. Les cannes, livrées aux usines par les petits planteurs qui ne possèdent pas de distillerie, sont payées suivant le cours du sucre.
Il existe dans la colonie 16 usines à sucre, 7 dans l’arrondissement du N. et 9 dans le S. À côté de ces usines, on compte 130 distilleries agricoles spécialement chargées de produire le rhum. La production en rhum, intensive pendant la guerre, a sensiblement diminué. De 331.000 hl en 1919, elle a passé en 1922 à 80.000. Cette production a été limitée par la loi du 31 décembre de la même année.
Le cacao fut introduit à la Martinique par le juif Benjamin de Costa. Les premières plantations se firent au Marigot, en 1660.
Depuis la guerre, on ne cesse de déplorer l’abandon des cultures vivrières et des cultures secondaires, au profit de la culture de la canne à sucre. Beaucoup de caféières et de cacaoyères, jadis florissantes, ont été plantées en cannes.
Les autres cultures secondaires sont le tabac, que l’on appelait « pétun » en France. Le bourg du Macouba était renommé pour la qualité de son tabac. Malheureusement cette culture a presque entièrement disparu. 100 ha env. sont occupés par le coton. La vanille nécessite des soins infinis et pourrait devenir une importante source de richesses pour la Martinique. Du citronnier et de l’oranger on utilise le bois, les feuilles, l’écorce, les fleurs et les fruits. On en tire des huiles essentielles et des parfums. Le petit citron, généralement vert, a une saveur très fine. Son « zeste » est particulièrement apprécié dans la préparation du « punch » créole. Citons encore l’ananas dont on exporte annuellement 230.000 kilos, sous forme de compote ou en conserve. Le kola, la casse et le ricin sont réputés pour leurs propriétés médicinales.
La Martinique est un pays où les légumes poussent avec une extrême facilité. Ce sont surtout des féculents. Les principaux sont : la patate, l’igname, le manioc, la banane, les choux caraïbes, le maïs, le riz, le fruit-à-pain, le cocotier, le chou palmiste.
Les fruits sont aussi nutritifs que les légumes. Ils sont de plus extrêmement parfumés et d’une saveur délicieuse. Ce sont : les mangues, les prunes de Cythère, la pomme d’acajou, le mombin, le prunier, la sapotille, la caïmite, la papaye, la pomme rose, la goyave, l’orange, l’abricot, la pomme liane, la barbadine, la pomme cannelle, le cachiman, le corossol.
Les forêts produisent des bois qui conviennent en général à tous les usages : le mahogany, le bois de rose, le courbaril, le laurier rose, le mancenillier, etc.
La faune martiniquaise n’est pas sensiblement différente de la faune européenne surtout en ce qui concerne les animaux domestiques. Les agoutis, les racoons, les mangoustes, le manicou ne sont pas dangereux. Le trigonocéphale, chassé par la mangouste, tend de plus en plus à disparaître. Il ne gîte pas près des habitations. On le trouve parfois dans des endroits très humides, sous un pont, près d’une rivière. Vers 1685, des essais de culture du mûrier ont échoué.
Il existe à la Martinique une Chambre de commerce, une Chambre d’agriculture, une banque et une caisse de Crédit agricole. On accorde aussi des primes aux cultures secondaires.
D’après des calculs du service d’agriculture nous voyons que sur 101.000 ha de superficie totale, il y en a 55.000 de terres cultivées.
Il y a à la Martinique un réseau de routes de 1000 km dont 565 de routes coloniales.
En fait de chemins de fer, il n’existe à la Martinique que des voies étroites appartenant aux usines et servant exclusivement au transport de la canne. Plusieurs projets d’établissement de voies ferrées pour le transport des voyageurs et des marchandises ont été successivement mis à l’étude, mais aucun n’a pu aboutir jusqu’ici. Un service d’autobus relie Fort-de-France à la banlieue et aux différentes localités de l’île. Le voyageur trouvera, en outre, de confortables autos de louage.
La Martinique comprend 32 communes divisées en deux arrondissements : l’arrondissement du S. qui a pour chef-lieu Fort-de France, la capitale, et l’arrondissement du N. qui avait pour chef-lieu Saint-Pierre.
Fort-de-France monopolise le mouvement commercial de l’île. Il y a, à côté de Fort-de-France, quatre ports ouverts au commerce de l’extérieur : Saint-Pierre, Trinité, Marin et François.
Le chiffre des exportations de la Martinique à la métropole a été en 1926 de 222.155.138 fr., celui des importations de 223.387.7226 fr., soit au total : 445.542.864 fr. Cependant, ces résultats si favorables ne pourront se maintenir que dans la mesure où la Martinique se décidera à développer les cultures secondaires.

POPULATION MARTINIQUAISE — Comme on le sait, les premiers colons Normands, Bretons, Gascons, voyant les résultats médiocres que leur donnait le système des engagés, eurent recours à la main-d’œuvre noire. Ils exportèrent donc aux Antilles des nègres recrutés en Afrique Occidentale. La traite française se faisait principalement au Sénégal, à Sierra-Leone, à la Côte-d’Or, depuis le cap des Trois Pointes jusqu’au cap Formose, dans la Guinée septentrionale, désignée alors sous le nom de côte des Esclaves, ou encore dans le royaume de Juda ; enfin sur la Côte d’Angola, dans la Guinée méridionale.
La population martiniquaise se compose donc d’hommes de couleur dont les ascendants étaient Sénégalais, Ouolofs, Foules, Mandingues, Bambaras, Quimbas, Congolais, ou encore originaires de l’Angola et de Mozambique.
Ces Africains se sont alliés parfois aux colons et engagés. Leurs descendants, les sang-mêlé, se sont aussi croisés avec des blancs. Vers le milieu du siècle dernier, on fit venir, pour le travail de la terre, des Chinois et des Hindous, qui, eux aussi, imprimèrent à la race nouvelle leurs caractéristiques ethniques. On ne peut vraiment pas parler de l’influence du type caraïbe, étant donné que ces autochtones ont été exterminés par Duparquet en 1658. L’une des dernières familles, réfugiée à la Pointe la Rose, sur la côte orientale de l’île, a depuis longtemps disparu.
On comprend que par suite de ces inextricables mélanges, les teints et les types varient à l’infini. Chez ces hommes de couleur, les types africains, hindous et asiatiques ont conservé une certaine netteté. Dans la plupart des cas, la race s’est affinée, c’est-à-dire que le prognathisme africain a à peu près disparu. Leur taille haute, leurs épaules larges, leurs hanches étroites, la finesse de leurs attaches, leur force herculéenne, font de certains hommes de véritables statues de bronze.
Cependant, on pourrait largement diviser la population martiniquaise en blancs, descendants de colons, ou Français, ou Européens, en mulâtres et en Noirs. Mais les nuances entre ces diverses colorations sont multiples et insensibles.
De 130.000 le chiffre de la population de la Martinique a passé en un siècle à 244.439. La densité moyenne de la population martiniquaise est de 244 hab. par kilomètre carré. D’après le recensement de 1910, la Martinique est l’un des pays du monde où la densité de la population est la plus forte.

 

(Lire la suite : Martinique — Notice historique)

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